A table

Mermoz a t-il besoin de s'attabler ? Nous n'avons pas la réponse mais depuis notre arrivée sur le quartier il y a des histoires de tables qui nous habitent. Celle du jardin Eclos par exemple, une table pour que se rencontre ancien·ne·s, nouvelles et nouveaux habitant·e·s à l'ombre des grands arbres qui peuplent le square. Puis, sans préméditation, une seconde table à vue le jour à la suite d'un atelier chapeauté par le collectif d'architecte Pourquoi Pas !?, avec des étudiant·e·s de l'école d'architecture de Montpellier et avec l'aide de quelques voisins de la rue Gaston Cotte. Celle-ci est mobile, non pas afin que les habitant·e·s se rencontrent mais pour partir à la rencontre de celles et ceux qui l'habitent parce qu'ils et elles y vivent ou y travaillent. Pour partir à la rencontre de ce qui l'habite, les organismes vivants non-humains, le mobilier, l'immobilier, les souvenirs, les paysages, les ambiances...

Mermoz n'a pas nécessairement besoin de table, elle en a déjà plusieurs, au sud on en retrouve notamment le long du mail Narvik et d'autres cachées entre le centre social, la place Jean Mermoz, la porte arrière de l'école Olympe de Gouges et du terrain multi-sport. Nous avions cependant besoin d'un espace de rencontre, en dehors de l'appartement qui nous est mis à disposition au 1 rue Gaston Cotte, le temps que cette allée soit elle aussi sujette à démolition, puis reconstruite. C'était l'idée initiale du projet Un Futur Retrouvé, avoir un espace mobile, dans l'espace public de la partie Sud du quartier Mermoz, pour rencontrer celles et ceux qui l'habitent, les personnes qui occupent les nombreux appartements du quartier, qui y travaillent quotidiennement, qui s'associent pour vivre le quartier différemment, mais aussi les rues, les places, les jardins, les arbres, les bancs, les voitures qui stationnent au rythme de la pendule. Pour nous, c'est l'occasion d'amener le dedans au-dehors car le travail que nous envisageons, n'est pas uniquement de proposer un spectacle mais de construire nos propositions en partageant, en échangeant autour des questionnements que nous rencontrons à Mermoz et qui font écho avec d'autres interrogations qui dépassent bien souvent les limites d'un quartier, d'une ville ou même d'un pays.

Cette table est peuplée de charnières qui lui permettent de se plier pour se déplacer puis de se déployer pour inviter des personnes à s'y attabler, le temps d'une discussion, d'un travail collectif, d'un dessin et pourquoi pas pour faire ses devoirs en avance ou en retard... Comme un meuble lors d'un déménagement, on le pose fatigué, là ou l'on peut pour s'y adosser parfois si assoir quand on à la chance de charrier un canapé. S'il dérange, on le déplace jusqu'à ce qu'il trouve enfin sa place pour quelque temps, quelque part.

Pour nous, c'est un atelier-outil dont la communication devient l'objet. « Communiquer », c'est bien là une préoccupation que nous avons retrouvé à Mermoz et qui dépasse largement les frontières de ce seul quartier. Nous ne pouvons pas répondre à cette préoccupation, ce n'est pas notre rôle et nous n'en avons pas les moyens au regard du déficit observé dans les opérations de rénovation urbaine d'ici et d'ailleurs. En revanche, nous pouvons nous astreindre à communiquer, au sens premier du terme, afin que les actions engagées, qu'elles soient théâtrales, architecturales, sociologiques ou tout cela en même temps s'inspirent en premier lieu de ces échanges, qu'ils en soient les premières matières. Cela suppose d'ouvrir des espaces publics, en les considérant au-delà du trottoir, de la place publique ou de stationnement, mais aussi comme les espaces d'expression et de création issues des multiples rencontres entre des personnes, des pratiques, d'idées et de colère et plus généralement différentes formes de vivant et de non vivant de mobilier et d'immobilier.

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